Architecture et lieux

Une ancienne colonie de vacances

Résidant à Montricher depuis 1983, Vera et Jan Michalski avaient à l’esprit, en parallèle de leurs activités d’éditeurs, de créer un lieu de rencontres littéraires dans cet environnement paisible du pied du Jura vaudois. Lorsque Michel Desmeules, le Syndic de l’époque, les informe que la colonie de vacances du Bois Désert, alors propriété de la paroisse catholique Saint-Joseph de Lausanne, est à vendre, ils se portent acquéreurs du lieu. C’est après le décès de Jan Michalski, en 2002, que son épouse décide de créer une fondation en son hommage et de l’installer sur le site du Bois Désert.

Cette ancienne colonie de vacances, composée d’un grand bâtiment d’habitation et d’une chapelle reliés par un passage couvert, a marqué le souvenir de nombreux habitants de la région. La paroisse de Lausanne y organisait des camps, les enfants du village de Montricher y allaient souvent en course d’école, le temps d’une journée, et de grandes parties de jeux s’organisaient sur la grande terrasse couverte du préau. Des baptêmes furent aussi célébrés dans sa charmante petite chapelle. Lorsque Vera Michalski envisage sa rénovation, le site du Bois Désert est déjà abandonné depuis plusieurs années. Attachée cependant à la mémoire de ce lieu, elle pense initialement réhabiliter les bâtiments existants, sans effectuer de grandes modifications, et fait appel aux architectes Vincent Mangeat et Pierre Wahlen, associés au sein d’une agence à Nyon. Il s’avère rapidement que les bâtiments sont en trop mauvais état pour en faire un usage pertinent ; la ferme et la chapelle seront donc démolies pour laisser se développer un projet plus ambitieux de construction d’un ensemble neuf, respectueux de l’implantation originale des différents corps de bâtiment.

Les bâtiments ancrés

Les architectes s’orientent, dans un premier temps, vers la réalisation d’une bibliothèque à l’emplacement exact du bâtiment des colons et d’un auditorium en lieu et place de la chapelle, sur un axe est-ouest comme sont toujours implantés les bâtiments religieux. Cet auditorium, complété d’une salle d’exposition et d’un foyer, répondant au souhait de faire du site un lieu vivant, tourné entre autres vers l’organisation d’expositions et d’événements aussi divers que des conférences, des lectures ou du théâtre. Le couvert sera, dans un second temps, avantageusement remplacé par un grand toit ajouré, nommé « canopée » en référence à la cime des arbres. Les piliers soutenant cette canopée devant donner le sentiment qu’une forêt d’arbres en béton, prenant la suite des arbres naturels, dévale les pentes du Jura pour terminer sa course au milieu de la Fondation.

Les travaux débutent en 2009 et sont confiés à l’entreprise générale de construction suisse Losinger. La bibliothèque, le bâtiment abritant l’auditorium et l’espace d’exposition, ainsi que la canopée qui les relie seront achevés en 2013. Ce vaste ensemble en béton clair est par ailleurs agrémenté de différents cheminements et un large parvis émerge au cœur du site pour offrir aux visiteurs une vue d’exception sur les Alpes et le lac Léman. La bibliothèque est composée de cinq niveaux visibles, bordés de coursives et bardés d’étagères toutes réalisées en chêne, auxquels s’ajoutent deux niveaux souterrains où sont stockés les livres en transit. L’autre édifice comprend, quant à lui, une salle d’exposition à l’étage et un auditorium en sous-sol ainsi que le foyer et de nombreux espaces techniques.

Les cabanes suspendues

En 2014, débute la seconde tranche des travaux. Après les bâtiments dits « ancrés », l’on s’attache à présent à la réalisation de « cabanes suspendues » : à la canopée imaginée par les architectes Mangeat et Wahlen, il est décidé que différents architectes viennent greffer des bâtiments pour compléter le programme de la Fondation, suivant ses besoins. Sept de ces cabanes ont en effet vocation à accueillir des écrivains en résidence ; les quatre autres regroupent les fonctions administratives et opérationnelles du site. La réalisation des bureaux de la fondation, d’une salle de réunion et d’une cabane d’écrivain est confiée à Mangeat et Wahlen. Parallèlement, un concours est organisé pour attribuer à d’autres architectes, venus du monde entier, les cabanes restantes afin qu’émerge autour du parvis une petite ville aux « maisons » de styles différents mais complémentaires. Dans le cahier des charges figure l’obligation de travailler avec les matériaux déjà employés sur le site, à savoir le béton, le bois, le métal et le verre. Chaque « cabane d’écrivain » comprenant d’une part un espace à vivre formé d’une kitchenette, d’une salle de bain et d’une chambre, et d’autre part un module pour écrire et travailler. Les cabanes étant, par ailleurs, réellement suspendues à la canopée par des tirants en acier et arrimées au sol à l’aide de socles en béton ou d’escaliers reliés aux socles.

Ainsi, sont désignés les bureaux d’architecture suisses Décosterd, Bonnet, AFGH (Andreas Fuhrimann et Gabrielle Hächler) et Schaub Zwicky Architekten, le cabinet norvégien Rintala Eggertsson Architects, le bureau chilien Elemental (Alejandro Aravena), le bureau brésilien Studio MK27 (Marcio Kogan), et l’agence japonaise Kengo Kuma and Associates.

Cette seconde phase de travaux qui comprend également les aménagements extérieurs s’est terminée à la fin de l’année 2017. La Fondation Jan Michalski telle que l’on peut la découvrir aujourd’hui à Montricher est donc le fruit du travail de nombreux architectes aux sensibilités diverses mais tous au service d’un projet consistant à donner au livre et à l’écrit un écrin de choix.